Page 12 - YZpreambule
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Ces images furent interprétées à tort1, comme preuves de
l’évidence du secret du champignon sacré. Chacune de ces bévues
fera l’objet d’un cahier spécifique. En contrecoup de ces arguments
illusoires, l’ethnomycologie s’est enfermée dans un imaginaire
étriqué et répétitif, lequel bloquera l’inventivité nécessaire à la
formulation d’hypothèses plus productives.

   Bien sûr, il ne prêterait pas à conséquence que la croyance au
champignon sacré soit partagée par un groupe d’éclairés, pareil à
ceux qui croient aux récits sur “la terre creuse”. Mais il est des
dommages plus sérieux. D’une part, cette légende urbaine
contamine désormais des disciplines rationnelles2, et de plus, le
paradigme du secret enferme l’ethnomycologie dans l’insignifiance
en occultant les questions essentielles, lesquelles ne pourront être
formulées qu’après son abandon. Ainsi, les post-wassoniens ne
peuvent s’étonner du fait que seules deux civilisations ont produit
un récit explicite sur leur champignon sacré, sous la forme du
lingzhi chinois ou du teonanacalt aztèque. Cette question
essentielle leur est occultée par leur propre mythe puisque avant la
seconde moitié du 20e siècle, avant que le panmycisme ne se
constitue comme embryon de narration illusoire, il n’y avait rien
d’explicite. Contrairement à ce que prétend le mythe du
champignon sacré, et puisque la nature même du Soma fut en effet
très tôt oubliée, l’occident n’a jamais disposé d’un tel récit formel,
explicite et intentionnel, comme ce fut le cas pour les civilisations
chinoise et aztèque. Mon objectif est de sortir l’étude du rôle des
champignons dans la culture de son indigence routinière, d’abord
en écartant les scories, puis, par l’esquisse d’un cadre rationnel, de
l’ouvrir à des questions plus productives.

1 Nous démontrerons la fausseté de ces lectures au fil des chapitres.
2 Voir chap.1 Dissémination du panmycisme.
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